En recueillant le témoignage de ces femmes, Je ne cherche pas à trouver de prétextes a tous ces monstres, ni indirectement a incriminer les victimes de leur inhumanité de les avoir « incités »
J’ai voulu que mon histoire soit aussi vraie que variée, je voulais des détails, du genre tenue vestimentaire et âge que ce soit de l’agresseur ou de l’agressée, afin de montrer simplement et justement que rien au monde ne peut excuser l’agression d’une personne amoindrie physiquement par rapport à soi, et à plus forte raison quand c’est une femme parce que c’est trop facile d’agresser les femmes dans nos sociétés et de leur faire porter tous les maux de la terre, afin de montrer aussi que la monstruosité n’a point d’âge.
Ce que j’ai entendu le soir de la diffusion de l’interview de la fille violée m’a traumatisée, ce fut une véritable régression pour moi dans la douleur et l’impuissance, même derrière un tube cathodique (LCD pour certains) cela reste encore tellement insoutenable…
http://www.youtube.com/watch?v=3Q1oVBqZ41E
Ce que vous allez lire sont les histoires d’anonymes, qui comme moi, comme vous, n’aurait jamais pu penser voir ce genre de choses leur arriver, et c’est parce que ça aurait pu être vous, ou moi, que je parle en leurs noms a toutes…
Z.: 24ans
« Petite fille de 10 ans, je remarquai que le gardien de l’école, un type de 40 ans me regardait toujours un peu bizarrement, pis, il soutenait un regard qui me suivait, me scrutait, me faisait peur et me mettait mal a l’aise ; a dix ans, je ne pouvais savoir les raisons de ce genre de regards.
Un jour, il me coinça dans une salle de classe, et m’embrassa sur la bouche, quelque chose de malsain habitait ce baiser, je commençai à avoir peur, jusque par miracle, un élève arriva en la direction de la salle de classe, et c’est là qu’il me lâcha, plus tard, le souvenir de ce jour me donnera toujours froid dans le dos… »
Je sais : vous allez peut-être, pour justifier ce qui est arrivé , dire a ZA qu’a cet âge –là , elle n’était pas sensée « savoir » le sens de ce « genre » de regards ?
Non mais parce que j’aimerais aussi me mettre dans la peau de ceux qui incriminent les femmes, juste pour voir ce que cela fait d’être si horriblement complice de l’ignominie de l’être !
Z : 27 ans
Une amie a moi, a pris le taxi aujourd’hui pour aller au centre ville, le taxiste, lui confia tristement, presque en murmurant, qu’il lui est arrivé de ramasser une fille qui a failli subir le même sort que notre courageuse concitoyenne.
« La fille, quitta ses amis devant un lounge où ils l’avaient vues monter dans un taxi pour rentrer chez elle, sur la route, elle s’arrêta devant un tabac pour s’acheter des cigarettes, une patrouille de flics s’arrêta pile devant la jeune femme, constatant que la jeune fille avait un peu bu, ils ont commencé a l’intimider, la sommant de monter avec eux, ils auraient tenté de la violer, si ce n’était qu’elle était réglée, qu’elle avait remonté sa jupe pour leur montrer sa serviette hygiénique, elle leur a lâché tout le fric qu’elle avait, et est repartie sans demander son reste, elle avait repris un taxi, c’était moi, j’ai eu tellement mal au cœur en la voyant trembler et pleurer, que je l’ai ramenée sans demander a être payé, dieu l’avait protégée ce soir-la »
Laissez-moi deviner : le vieux surfe sur la vague de l’actualité et se fait passer pour un héros ? ou pis encore, elle le méritait cette trainée, elle n’avait qu’a ne pas se pavaner totalement saoule dans la rue et a s’arrêter a une heure aussi tardive pour s’acheter des clopes ?
C’est vrai, au fond, quand on est une fille, qu’on a bu et qu’on s’arrête pour s’acheter cigarettes, c’est qu’on est forcément une dépravée !
G. : 26 ans
Mon interlocutrice, amère, commença son récit ainsi :
« Personnellement je peux te raconter une dizaine d’anecdotes , Le plus répétitif , le classique » Eh, mademoiselle ! Vous êtes trop charmante ! Hey ! Bah, tu ne réponds pas hein ? J’te fais un compliment ! Eh oh ! Bon, bah Barra Nik Ommel el 9a7ba (nique ta mère la pute) ».
J’en passe et des meilleures..
Une autre fois un « exhibitionniste » a baissé son pantalon devant moi, jouant avec son pénis, j’étais entrain d’attendre un taxi.
Récemment j’étais dans le bar d’un hôtel, je bouquinais en attendant un ami, je commandai une bière au serveur ( une gentil monsieur quadragénaire très respectueux) et là il commença à me draguer avec insistance, voulant à tout prix avoir mon numéro et me payer la bière, ça a duré plus de 10 min et à la fin je lui ai dit que s’il ne reprenait pas son travail et ne me laisserait pas tranquille, j’irais le dénoncer à son chef, il quitta ma table en murmurant des insultes ».
Bien entendu, elle le méritait n’est-ce pas ? Elle avait commandé une BIERE !
Parce que si c’était un jeune homme, ayant demandé une bière, ça passerait comme une lettre à la poste, une fille qui en boit une est une incitation a la drague insistante qui frise le harcèlement sexuel, sans parler du fait que de ne pas répondre a la drague poids lourd vous vaut le juron de pute, a vous et à votre mère…
R:30 ans
« J’étais une petite fille de dix ans, j’étais en colonie de vacances a borj el sedreya, je jouais sur la plage, un jour ou il ne faisait pas très beau, je m’en souviens comme si c’était aujourd’hui, l’eau était trouble.
Sur la plage, une fille de mon âge portait le voile, cela m’avait fasciné, a l’époque, on n’en voyait jamais, des filles voilées a cet âge-là, je commençai a jouer avec elle, on est allées nous baigner après, le papa de la petite nous a rejoint, il me prit la main dans la sienne, je sentis ma main glisser sur quelque chose de lisse qui durcissait, de son doigt, il me guidait pour aller caresser ce qui semblait être un prépuce, je n’oublierai jamais le sourire sardonique qui s’est dessiné sur son visage, c’était un blond, les yeux châtains, et la barbe naissante.
Je me suis éloignée aussi vite que j’ai pu, en comprenant que quelque chose de pas normal était arrivée.
Longtemps ce jour-la, je regardai ma main sur cette plage en essayant de la laver dans l’eau, j’avais l’impression d’être souillée… »
Bon, cette fois-ci, j’ai un peu de mal à me mettre dans la peau de celui qui incriminerait une petite fille et lui trouver tous les torts !
NK : 25 ans
« Je suis étudiante en France, ne disposant pas de bourse, j’étais obligée de chercher du travail.
Sur le net je suis tombée sur une annonce pour bosser sur la réouverture d’un restaurant, je contacte l’employeur, c’est un homme plutôt sympathique et chaleureux, il est d’origine orientale, il a aussi connu « la galère de l’étudiant » et « la difficulté d’el ghorba (être étranger) ».
Le premier jour de travail : je nettoie la cuisine, corvée de ménage : résultat des courses, une cuisine irréprochable, le monsieur est tellement impressionné qu’il parle déjà de me faire signer un contrat, je jubile intérieurement, c’est la fin de la galère.
Le deuxième jour de travail : j’arrive a onze heures, j’avais un IRM à passer avant de venir : la tâche consistait a faire du tri dans la paperasse et les factures du restaurant.
Mon employeur me demanda dans le fil de la conversation la raison pour la quelle je faisais une IRM, je lui expliquai que j’avais des migraines a répétition.
De fait, il s’approcha de moi, me montrant une petite boite, me disant qu’elle contenait un remède « bio » et miraculeux.
Naïvement, je dis que j’aimais bien les plantes médicinales, mon interlocuteur rit de moi en me disant que c’était une plante « spéciale », je commençai à avoir un peu peur et a me sentir mal a l’aise.
Je fis mine de ne rien comprendre, et continuai de m’affairer a ma tâche, quand je remarquai que plus aucun bruit ne retentit dans le restaurant, je me retournai discrètement…
Mon employeur était entrain de se masturber derrière moi…
J’étais comme figée, je ne savais quoi faire, mon sac et mon téléphone étaient à coté de lui, la porte du restaurant était fermée à clé, je travaillais sans contrat , au noir, je suis étrangère…
Dans le tourment de cette panique, tout cela défilait dans ma tête, alors que les papiers défilaient dans mes mains, que mes yeux se remplissaient de larmes, que je me sentais piégée, sur le point de basculer dans l’horreur, quand mon téléphone sonna !
Je décrochai, parlai brièvement, puis pris congé auprès de… cette personne, prétextant qu’une amie avait urgemment besoin de moi.
L’homme s’excusa, me demanda pardon maintes fois, je fis mine de ne rien comprendre, je ne demandai pas mon reste même s’il m’avait généreusement payée.
Je fini par changer de numéro de téléphone… »
Je sais ! NK n’avait qu’ à rester chez elle ? et ne pas s’enfermer dans un restaurant avec un étranger ? c’est une trainée, parce qu’elle voulait gagner sa vie honnêtement ?
A vous de me dire ; vous qui trouvez toujours une raison « sexuellement dépravée » pour les « sorties des filles » et qui sont assez légitimes pour justifier leur agression !
NB : 26 ans
« Les histoires que je peux raconter sur mes agressions sont tellement multiples, (je sais, cette phrase revient tellement –et amèrement souvent- dans ce récit).
Mais j’en choisis une, que je trouve si vexante, j’ai toujours eu une forte poitrine, je n’y peux rien c’est mon anatomie, un jour, je passai dans la rue, un mec me dit : « d’où est-ce que la Tunisie dispose autant de basse lactation ! nous ne pourrons pas nous plaindre d’avoir une pénurie de lait »
J’étais , pour lui, une bête, un animal, un objet de risée… »
Probablement, N l’avait bien cherché non ? elle n’avait qu’ à faire une réduction mammaire tant qu’on y est ?
M, 24 ans :
« j’étais entrain d’attendre qu’une amie à moi vienne me récupérer devant chez moi, on était au mois de ramadhan, presque une heure après la rupture du jeun, c’est alors que je remarquai que deux voitures se sont arrêtées pas loin de moi, je commençai a marcher, un peu effrayée, quand les conducteurs commencèrent a me filer, au début, ils ont commencé a m’interpeler « hé,ho, arrête toi ma belle je veux te parler »
Je commençai a presser le pas, ils roulaient désormais a ma hauteur et le langage se corsait « he, la pute, arrête-toi je te dis »
Je courais presque, quand par enchantement , un voisin a moi passait par là faisant son jogging, je l’appelai, je le suppliai de rester avec moi, il alla leur parler leur demandant ce qu’ils me voulaient, ils répondirent « on ne lui a pas parlé a cette pute, elle n’a qu’ à rester chez elle au lieu d’allumer les hommes ! »
Voila un peu de l’horreur que j’ai entendu de la part de mes amies, et d’anonymes, des blessures secrètes et enfouies dans le silence des tabous, celui de la honte et la peur d’être incriminées, car il est tellement facile de nous sauter à la gorge et nous incriminer nous…
J’aurais pu en écrire des centaines, des pages de ce genre d’histoires, toutes aussi douloureuses, les unes que les autres, mais ces quelques unes, je vous les lègue, réfléchissez, cela aurait pu être vous, votre sœur, votre fiancée, votre amie proche, c’est à vous, à moi, à nous tous que revient le devoir que tout cela cesse…