Cette Rosa Parks de nos corps, أجساد روزا باركس

Pourquoi je m’accroche autant à cette histoire du  viol de Meriem ?

La réponse est des plus simples et elle avait un seul nom dans mon esprit

Rosa Parks*…

http://fr.wikipedia.org/wiki/Rosa_Parks

La jeune Meriem est pour moi, désormais, la Rosa Parks du corps, de nos corps à nous toutes…

Après tout, ne sommes –nous pas en quelques sortes, avec nos corps, des vaisseaux pour leurs frustrations, et leurs castrations mentales ?

Ne sommes-nous pas un terrain où ils font la loi depuis si longtemps ?

Et Meriem, fut une des premières à briser la loi du silence, elle est donc la Rosa Parks de nos corps meurtris

Je ne m’arrête pas forcément sur le cas de Meriem, même si ce qui lui est arrivé est horrible, mais à l’ombre de Meriem se cachent des milliers d’autres Meriem, dans le silence, le poids sociétal qui impose « l’intactitude » de l’apparence !

oui je fais des néologismes : je contracte intact et attitude, pour parler de toute une culture du déni, celle de l’agression, de l’insulte, de l’humiliation .

Quelques temps après le viol de Meriem, j’entends un ami du Kef dire qu’un viol a été commis suite au kidnapping d’une jeune lycéenne en plein jour…

Meriem n’est qu’un cas parmi tant d’autres, mais elle est La Rosa Parks du corps, celle qui a su dire non, et son histoire  porte en elle la symbolique de tant de choses :

Celle de ce pays, défraichi après le départ de cette couche de vernis superficielle que la dictature avait instauré : l’image bancale d’un pays moderne, de gens diplômés, tolérants, assumant parfaitement les droits et les libertés de ses femmes.

Résultat des courses : dans un triomphalisme sans précédent,une partie de cette société condamne ses « sorties , ses tenues et le mode de vie dissolu de certaines femmes de ce pays qui incitent et excitent les hommes »

Nous étions nombreux à être horrifiés face à ces réactions, et pourtant, elles sont là, et elles existent… et elles émanent de tunisiens, comme nous…

pour étayer un peu plus l’horreur, Meriem risque de comparaître aux bancs des accusés, pour atteinte à la pudeur qui plus est!

Cette intolérance vis-à-vis des femmes, la femme qui sort, qui travaille, qui a fait des études, la femme , castratrice, car  elle est « le produit de l’occidentalisation d’un pays : nous sommes la honte du monde arabe, nos femmes nous commandent grâce a Ben Ali et Bourguiba ».

Au final, la femme Tunisienne, libérée ou pas , reste et restera –à en croire ce genre de propos- un objet d’une propagande dans un sens ou dans l’autre, condamnée à ne jamais être maître de son destin…

A coté  de cette relation conflictuelle avec la femme, cette histoire  révèle tellement de cas de viols, de sévices sexuels et physiques ,hommes et femmes confondus, d’incestes, de pédophilie, du moment que la victime  est moins forte que l’agresseur physiquement, tout est permis : elle n’est plus que le vaisseau porteur de ses perversions verbales et physiques…

Et fait tout aussi grave : le viol de Meriem, par des représentants des forces de l’ordre, n’est pas un cas isolé, dans les alcôves des confessions douloureuses et intimes, se révèlent tant de victimes, hommes et femmes encore une fois, n’étant plus maîtres de leurs corps, ils ne sont plus désormais maîtres de leurs vies, marqués a jamais par la destruction de  l’impuissance face à ceux qui sont sensés les protéger…

Alors avec le recul, Meriem porte en son agression la symbolique forte de tant de choses, d’une société en convulsion, face a ses propres perversions, ses propores failles, si le cas de Meriem nous a tant bouleversé, c’est parce qu’il révèle nos secrets honteux : ceux d’une société, rongée par le mensonge, la corruption, la cupidité, la perversion, la lâcheté et le non respect de l’ordre…

Une société qui se dit vouloir retourner «  à des valeurs plus vraies, plus pures, » alors qu’elle baigne dans une hypocrisie générale en cultivant le tabou, en nourrissant la monstruosité par des justificatifs encore plus criminels que le crime lui-même…

Bien entendu, si cette société est assez intelligente, elle en tirera les bonnes leçons, le recul voudra qu’on dise qu’elle est en mutation, mais certaines mutations, engendrent comme l’enseigne l’évolution des espèces plus fortes, plus intelligentes, plus évoluées, et d’autres… des monstruosités…

Reste à savoir ce qu’engendrera la nôtre, après le soulèvement de notre Rosa Parks du corps…